Avant que la saison ne redémarre et que la nature s’éveille, nous prenons le temps de vous donner des nouvelles du Jardin Melifera, notre terre de culture au Nord d’Oléron.
Le dernier journal de bord du jardin date de plusieurs mois (vous le trouvez ici). Petit bilan de ce gros semestre de travail, qu’on pourrait intituler « comment cultiver son jardin en agroécologie et s’adapter aux aléas climatiques »
S’adapter aux aléas climatiques
Entre météo pluvieuse et arrivée des frelons asiatiques, le printemps et l’été 2024 nous ont demandé des talents d’adaptation particuliers.
C’est tout le pari de la culture en agroécologie : laisser la part belle à la nature, intervenir le moins possible et s’adapter à elle.
Adapter notre récolte de fleurs d’immortelles
La météo de l’hiver et du printemps 2024 a modifié le rythme des floraisons et décalé nos dates de récolte.
Les immortelles que nous récoltons en général vers la mi-juin (quand les premières fleurs sont à maturité) se sont fait un peu désirer par rapport aux années antérieures.
Cela a perturbé l’organisation de la récolte participative des immortelles que nous attendions avec impatience.
L’immortelle est délicate et toute la complexité est de trouver le bon moment pour la récolter : quand les fleurs sont bien ouvertes pour délivrer tous leurs parfums, mais avant qu’elles ne s’ouvrent trop ou ne prennent la pluie qui les feraient noircir.
Plusieurs récoltes d’immortelles ont été réalisées fin juin et les fleurs vite plongées dans l’alcool en vue de la distillation.

Nous avons profité de cet étalement de la floraison pour réaliser quelques bouquets mis à sécher à l’abri de la lumière et têtes en bas. Nos clients professionnels en sont friands, que ce soit pour leurs cocktails, en cuisine, ou pour parfumer leurs étals.
Cette année, nous avons également ouvert le jardin aux visiteurs désireux de se confectionner un petit bouquet d’immortelles ou d’autres fleurs naturelles que nous avions semées au printemps. Un été haut en couleurs avec tous ces jolis bouquets ! Nous réitèrerons sans doute la proposition l’été prochain, en plus de l’organisation de notre traditionnelle et attendue récolte participative !

De nombreuses autres plantes à fleurs et aromatiques ont également été récoltées tout au long de l’été pour la distillation et la mixologie : angélique, armoise, absinthe, maceron, verveine odorante, reine des prés, camomille romaine…par exemple.

Adapter notre projet de protection de l’abeille noire
L’abeille noire que nous protégeons et à qui nous empruntons notre nom, est confrontée à deux dangers principaux : le premier est celui de l’hybridation, qui lui fait perdre peu à peu son patrimoine génétique et sa capacité à résister au changement climatique. C’est le premier combat que nous avons mené initialement avec le conservatoire de l’abeille noire à Oléron.
Le deuxième combat à mener de front est celui contre le frelon asiatique.
Face à l’attaque des frelons asiatiques ayant décimé toutes nos colonies l’an passé, nous avons lancé en 2024 le bien nommé projet AFFA (Anti Fucking Frelons Asiatiques)
Une des vocations du Jardin Melifera est d’expérimenter, et nous avons tenté avec ce projet de protéger les ruches et en particulier les ruches d’élevage de reines d’abeilles noires de Manu, notre apiculteur partenaire.
Le projet a consisté à placer les ruchettes d’élevage à l’intérieur d’arceaux de serre enveloppés de filet anti-frelons (filet de pêche en réalité). Les mailles choisies étaient de 8 mm afin de permettre la circulation des abeilles mais d’empêcher les frelons d’y entrer et de stationner en masse à l’entrée des ruchettes. Malheureusement le filet a trop perturbé les abeilles qui circulaient très mal. Et la taille des mailles n’a pas non plus permis d’empêcher le passage des frelons le plus petits.
Après constatation de l’affaiblissement des colonies d’élevage, Manu a dû se résoudre à déplacer les ruchettes sur un autre site. En vain… la pression du frelon asiatique sur l’ensemble de l’île d’Oléron n’a pas permis d’aller au bout du processus d’élevage.
Cette année, Manu retentera d’installer des ruches à miel sur un autre espace du Jardin que nous espérons moins exposé aux frelons.


Les beaux projets du jardin
Forts de ces plus de 3 années d’exploitation du jardin Melifera, nous persévérons dans nos engagements sur cette terre de près de 3 ha. Ces années d’exploitation nous poussent aussi vers des nouveaux axes de travail et de réflexion, en accord avec les principes d’agroécologie.
le travail avec les ânes
En avril de l’année dernière nous avons accueilli sur le Jardin Melifera deux ânes, Ehop et Mustang, appartenant à Nicolas Seguier, anciennement Les Anes d’Oléron (et aujourd’hui ForMul’Anes, installé en Dordogne).
Ehop, âne du Cotentin de 10 ans a été éduqué et formé au travail de traction et à l’attelage. Mustang lui est un jeune âne normand de 2 ans et en tout début d’apprentissage. Nicolas a mis ses ânes ainsi que du matériel à disposition d’Ethel pendant plusieurs mois afin qu’elle puisse tester en réel le travail au jardin en traction asine.
Cela fera bientôt un an qu’Ehop et Mustang partagent le quotidien d’Ethel et il s’est passé plein de choses.

Pour commencer, nous leur avons construit un joli abri (merci l’Artisan d’Oléron) pour qu’ils puissent se mettre à l’abri des intempéries et du soleil.
Depuis septembre, Ethel a transformé l’essai et est devenue l’heureuse propriétaire de ces deux gentils ânes. Il faut alors tout apprendre pour assurer le bien-être et la santé de ces animaux certes rustiques mais très spécifiques. Cela va de l’alimentation, aux soins en passant par la gestion des pâturages, l’éducation.
Chaque nouvelle saison est un challenge à relever (plantes toxiques, pluie, boue, insectes et parasites…) et de fait aussi beaucoup d’inquiétudes !
Dans la gestion des espaces à pâturer, Ethel tente de s’inspirer des principes de permaculture équine avec un système d’équi-pistes aménagées et de pâturages tournants autour des différents prés afin de permettre aux ânes de se déplacer comme ils le feraient à l’état naturel tout en contrôlant l’accès à l’herbe. Ce système permet d’intégrer une dimension agro-écologique et éthique vis-à-vis de l’équidé et de l’environnement
Le travail au jardin avec la kassine (porte-outils polyvalent créé par l’association Prommata) est aussi un véritable apprentissage et nécessite de tisser un lien de confiance avec l’animal. Il nous permet de mettre en pratique des méthodes agro-écologiques respectueuses de la vie du sol tout en bénéficiant de la force de traction de l’animal. L’Organisation des nations unies dans un rapport de 2022 sur le Développement de l’agriculture, la sécurité alimentaire et la nutrition, a d’ailleurs fait mention du rôle bénéfique pour la planète des animaux de travail, incluant ainsi les chevaux et les ânes (dans le respect de leur bien-être).
En 2025, nous sommes très fiers de poursuivre l’aventure : écopaturage, traction animale, minimum de mécanisation. Autant de piliers fondateurs de l’agroécologie et bases de nos engagements.

Une gestion de l’eau adaptée au site
Depuis l’existence du Jardin Melifera, les saisons se suivent et ne se ressemblent pas. Les épisodes de sécheresse succèdent à des pluies abondantes. Cet hiver, comme l’hiver et le printemps derniers, la pluviométrie a été importante et cela pose de vraies difficultés. Le marais de Ponthézière qui borde notre parcelle a l’avantage d’apporter de la fraicheur en été mais son manque d’entretien ne permet pas d’évacuer les surplus de pluie. Nos prairies sont saturées d’eau et la gestion en est très compliquée, d’autant plus avec les ânes dont le piétinement forme de la boue. Et ne parlons pas des moustiques présents par milliers avec les températures douces de l’automne…
La gestion de l’eau devient donc une problématique dont il faut se saisir pour faire face au dérèglement climatique au Jardin Melifera.
Dans ce sens, Ethel a suivi cet hiver une formation organisée par la Communauté de communes de l’île d’Oléron et l’association Bio Nouvelle-Aquitaine sur l’Hydrologie régénérative, qu’Alain Maillard, intervenant reconnu dans ce domaine, définit comme « une science de la régénération des cycles d’eau appliqués à l’agriculture » en s’appuyant sur le triptyque sol-eau-arbres et en intégrant pleinement la biodiversité.
C’est l’idée qu’en période de pluie intense, on permette à l’eau de mieux s’infiltrer et de se répartir à l’échelle de la parcelle, et qu’en période de manque, l’eau puisse remonter par capillarité.
Ainsi, au sein d’un système agricole naturel, cette approche permet de mieux canaliser le flux d’eau, le ralentir, l’infiltrer et le stocker à l’échelle d’une ou plusieurs parcelles. Cette technique s’appuie sur une méthode d’aménagement des espaces, le keyline design, une pratique agricole qui permet de limiter les érosions en suivant les courbes de niveaux.
Voilà de quoi alimenter grandement notre réflexion !
Les projets des dernières semaines d’hiver

Les travaux au jardin ont repris doucement au mois de février, entre deux gelées et deux averses. Au programme, taille et désherbages des haies champêtres, vérification et réparation du réseau d’irrigation…
Il a fallu aussi s’atteler au nettoyage du site et au débroussaillage de quelques ronciers. La plupart sont préservés car précieux pour la biodiversité. Il faut donc intervenir avant le début de la période de nidification. On commande aussi les semences et plants pour le printemps. Quelques nouveautés à prévoir
En mars, on s’attelle au désherbage et à la taille des plantes dont certaines ont été laissées sur pied pour l’hiver afin de les protéger ou de laisser aux oiseaux l’opportunité de profiter des graines pendant cette saison froide (agastache, guimauve, miscanthus, etc.), suivi en avril d’apport de matières organiques pour nourrir le sol et in fine nos cultures.
Dès que les températures vont augmenter, la vie au jardin va redémarrer. Il est temps de se retrousser les manches et de remettre doucement Ehop au travail.
Début mars, nous accueillerons également les moutons et chèvres d’Oriane (Ecopat’Ø) en prestation d’écopâturage pour l’entretien des zones non pâturées par les ânes.